Le saviez-vous? Picsou n'est pas créé par Walt Disney. Non, non, non.
Disney crée Mickey en 1928, auxquels se greffent des personnages secondaires, comme Dingo, Tic et Tac ou Donald. Ce dernier plait tellement au public qu'il devient une star, avec ses propres cartoons et des propres BD.
Un certain Carl Barks, des studios Disney, devient scénariste et dessinateur des histoires du héros dès 1943. Cartes en mains, il dispose des personnages de Donald, bien sûr, mais aussi Daisy, Riri, Fifi, Loulou, Grand-mère Donald, ou Gus.
Dès 1944, celui qu'on appelle le "good artist" crée la ville imaginaire de Donaldville (Duckbourg en anglais) situé dans l'état non moins imaginaire du Calisota, où peuple tout ce petit monde.
Rapidement, l'esprit fertile de Barks enrichit l'univers de nombreux autres personnages: Picsou (c'est lui! Ci-contre la première apparition du canard le plus riche du monde),

Une prodution prolifique
Barks inonde les comics Disney de ses histoires. Tous les mois, il livre une histoire de Donald de dix pages. Il invente aussi des histoires longues et des gags. Il crée même le comics "Uncle Scrooge" (Oncle Picsou en anglais) qu'il dessine seul, de la première à la dernière page, pendant plusieurs années, pour lequel il fournit histoires longues, courtes, gags et couvertures! Il crée aussi des histoires pour Daisy, Grand-mère Donald, Géo Trouvetou...
Au total, Barks dessine entre 1943 et 1967 plus de 6500 pages de BD!!! Sans compter les scénarios qu'il livre encore après la retraite...
L'homme devant tenir la cadence adopte un style dépouillé mais magistral, des scénarios aux ficelles (dont il reconnaît lui-même que le nombre est limité: ainsi il recycle souvent ses scénarios) parfois grosses mais toujours empruntes d'une humanité assez remarquable. Derrière le personnage de Picsou qui est, selon certains, un symbole du capitalisme américain (non sans raison), on trouve de nombreuses traces de tolérance et d'ouverture (ce que permettent notamment les aventures aux quatre coins du globe), de respect de la nature ou de références historiques véridiques.
Il est le premier à déformer ses cases pour jouer avec la mise en page.
Une influence considérable
Les récits de Barks inspirent nombre d'autres artistes.
Zep, papa de Titeuf, le place parmi ses auteurs de BD préférés.
Au cinéma, les aventures d'Indiana Jones sont beaucoup inspirées d'aventures de Picsou! Le film fameux "Les Dieux sont tombés sur la tête" est directement tiré d'une histoire de Barks ("La monnaie de fer blanc" ou "Des capsules pour Tralla la" selon les traductions).
Don Rosa, le nouveau maître des canards

L'univers foisonnant de Barks recèle une infinité de possibilités scénaristiques. Nombre de dessinateurs tombent hélas dans la facilité et livrent des récits sans saveur.
Mais celui qui a su le mieux exploiter et s'approprier l'univers pour lui conférer toute sa richesse, c'est un fan absolu du "maître des canards", Keno Don Rosa, qui devient à son tour, en 1987, dessinateur de comics Disney (après avoir développé ses propres personnages).
Ses références à Barks sont constantes. Elles peuvent être discrètes (le nom d'un bateau) comme complètement explicites (la suite d'une histoire originale). Quoiqu'il en soit, Don Rosa glisse dans chacune de ses illustrations, ouvertures ou premières cases d'histoires un petit "D.U.C.K", assez amusant à retrouver, signifiant "Dedicated to Uncle Carl from Keno".
Don Rosa est sans aucun doute le meilleur des dessinateurs Disney. Il s'approprie avec maestria l'univers de Barks auquel il façonne une cohérence. Picsou n'est pas ce radin sans c½ur que la vision populaire retient, mais un être sentimental et nostalgique que la vie difficile à mené jusqu'au succès... mais pas au bonheur. Les aventures aux quatre coins du globe en compagnie de Donald et ses neveux sont une sorte de palliatif à cette carence.
Une ½uvre exceptionnelle
Jugez plutôt: en 1992, Don Rosa entreprend de relater la jeunesse de Picsou, à partir des références éparpillées dans les 6500 pages de Barks!! L'entreprise est ambitieuse, voire démesurée! Les souvenirs de Picsou évoqués dans les histoires de son créateur sont nombreux, mais souvent elliptiques, parfois même contradictoires. Don Rosa arrive à donner une explication pour tout (ce qui est, scénaristiquement parlant, un magistral exercice de style!), ou presque (il faut nécessairement "tricher" un peu). En 1997, Don Rosa reçoit un Eisner Awards pour "La jeunesse de Picsou" (en ce moment republiée dans Picsou magazine).

Don Rosa, lui, prend son temps, et c'est un vrai bonheur. Graphiquement, c'est superbe. Accordant une minutie extrême aux décors et aux personnages, il truffe son univers visuel de gags et de clins d'½il (dommage que les couleurs ajoutées pour la parution en magazine n'en soient souvent pas les meilleures alliées). Côté scénarios, c'est un vrai régal. Ingénieuses et subtiles, les histoires tirent parti de l'héritage de Barks tout en insufflant la griffe personnelle du dessinateur, qui compte des fans dans le monde entier.
Picsou Magazine publie depuis 2005 les hors série "Les trésors de Picsou" retraçant, des volumes 1 à 7, l'intégrale de Don Rosa (sauf une histoire...).
Malheureusement, Don Rosa semble avoir mis un terme à sa création en 2006, avec un ultime épisode de "La jeunesse de Picsou", dévoilant une grosse pièce manquante du puzzle (comme pour "couronner" sa carrière): ce qui s'est passé entre Picsou et Goldie, la fiancée du Grand Nord, au temps du Yukon. Cette histoire me paraît un peu en retrait, Don Rosa oscillant maladroitement entre la volonté de tout dévoiler et en même temps de ne pas trop en dire.
Cela n'érode en rien l'excellence de sa production, que l'on aimerait néanmoins voir se poursuivre un jour... ce qui apparemment ne se fera jamais.
Moi, lecteur
Tout ça pour dire que je suis un assidu lecteur des aventures de Picsou, en particulier des créations de Carl Barks ou surtout Don Rosa (les autres auteurs étant tous inférieurs, en dépit de quelques autres grands noms comme Romano Scarpa, Luciano Bottaro ou Giorgio Cavazzano, de l'école italienne, eux) et que mes propres BD s'en inspirent beaucoup. C'est également de cette grande liberté scénaristique offerte par un riche éventail de lieux et de personnages, ainsi que cette humanité, que j'essaie d'abreuver mes récits.
paperjouets, Posté le mercredi 27 avril 2011 18:49
Des aventures toujours très agréables à lire...