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Rien à voir Aidan Chambers (traduit de l'anglais par Jean-Pierre Carasso) - La danse du coucou (1983)

« Une vie et une mort en quatre parties. Cent dix sept petits morceaux, sept semaines et cent dix-neuf repas, six rapports circonstanciés et deux coupures de presse avec quelques blagues, deux ou trois devinettes, quelques notes, et un fiasco par-ci, par-là pour faire avancer le récit...
Pour que vous puissiez voir comment je suis... Cette mosaïque d'un moi qui fus. Ce mausolée à Deux Défunts. »

Le livre commence par un article de journal où l'on apprend qu'Henry, un adolescent de seize ans, aurait saccagé la tombe d'un camarade de classe. C'est lui, Henry, Hal pour les intimes, qui nous invite à découvrir un morceau de sa vie, lors d'un été qui aurait pu paraître normal, partagé entre l'indécision quant à l'orientation future, le souci de trouver un job d'été, la voile. Si toutefois un certain Barry ne s'en était pas mêlé. Barry, c'est « le futur cadavre », nous lance Hal, donnant ainsi dès le départ le ton du roman. C'est avant tout celui qui ira à son secours, après une manœuvre imprudente en mer de notre héros. Et celui avec qui une complicité naissante naîtra rapidement.

En dépit de quelques rares passages un peu longuets, nous avons affaire à un livre remarquable. Remarquable par sa forme, longue révélation sous forme d'une lettre, à une assistante sociale chargée de l'affaire, dont nous retrouvons d'ailleurs les rapports d'enquête qui entrecoupent le récit, nous offrant ainsi un autre point de vue. Remarquable car n'est pas qu'un roman, est aussi une réflexion sur l'écriture même : l'écriture comme remède, l'écriture source de souffrance, l'écriture qui aide à réfléchir et à comprendre. On sent même l'évolution du style de l'adolescent au fil des pages. Par exemple, cet argot très désuet des années 80 (« chouravé », « gamberger », « tout berzingue »...) qui nourrit les premières pages s'estompe peu à peu pour laisser place à une écriture plus mature, à l'image de l'esprit même de l'adolescent. Remarquable car, au gré du récit, nous livre la réflexion de Hal sur lui-même (« Parce que j'écris ce récit, je ne suis plus aujourd'hui ce que j'étais lorsque c'est arrivé»), et sur les rapports aux autres (« ... nous inventons les gens que nous connaissons ? »). Remarquable car instaure un certain suspense, alors que l'on pourrait penser que tout est dit dès le début. Remarquable car relate une histoire d'amour avec excellence et sensualité, sans rebuter, sans employer de mots stigmatisants tels « homosexuel », ou « gay », mais en disant toujours joliment ce qu'il a à dire, et avec des personnages toujours humains, jamais caricaturaux, jamais improbables. Le tout avec des pointes d'ironie et d'humour, rendant le livre particulièrement vivant, malgré l'omniprésence du thème de la mort, qui fascine le narrateur.

Comme dit Hal, « les mots ne collent pas. (...) Ils ne disent pas ce que je veux leur faire dire. Ils mentent. Ils cachent la vérité. » Mes propres mots n'arrivent pas à dire à quel point j'ai été enthousiasmé par ce roman formidable, que je ne peux que vous recommander.

Paru dans Les Plumes du canard n°27
Mai 2007

80s-de-l-ombre

2 articles taggés livres

LIVRE: Craig Thompson - Blankets/Manteau de neige (2004)

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